jeudi 3 avril 2014

Le nationalisme ukrainien et ses racines, première partie.

L'est de l'Europe a connu au siècle dernier quatre cataclysmes majeurs, la disparition des Empires centraux, Allemagne et Autriche-Hongrie, la Révolution russe, la Seconde Guerre mondiale et la disparition de l'URSS. L'Ukraine est un témoignage vivant et terrible du destin des pays qui sont nés de ces cataclysmes.


L'UPA, Украïнська Повстанська Армiя, Ukrains'ka povstens'ka Armiya ou УПА, fut le bras armé de l'aile Bandera de la Orhanizatsyia Oukrainskykh Natsionalistiv ( Organisation des nationalistes ukrainiens ; OUN ). Dés la fin de l'été 1942, des émissaires de l' OUN , dirigé par Vasyl Sidor, gagnèrent la Volhynie afin d'organiser des formations ukrainiennes armées dans la région et y trouvèrent des groupes de résistance qui avaient déjà vu le jour. Parmi eux se trouvaient le Poliska Sich ( Unité de Polésie ) unités commandée par Maksim Borovets, dont le nom de code était Taras Bulba. Les émissaires cherchèrent à unir les groupes et à les fondre dans une armée nationale ukrainienne ; la première unité vit le jour le 14 Octobre 1942, que l'on considère comme la date de naissance de l'UPA. Le 1er Décembre 1942, quand la Ukrainisches Legion ( Légion ukrainienne ), qui comprenait les unités Nachtigall et Roland, fut démantelée, un groupe d'officiers ukrainiens rejoignit l'UPA. L'un d'eux était Roman Choukhevytch, qui fut nommé commandant de l'UPA , avec le nom de code de Taras Chuprynka. En Mars 1943, six mille à douze mille hommes (selon les sources) de la Ukrainische Hilfspolizei ( police auxiliaire ukrainienne dont le rôle était de chasser les Juifs, garder les lignes de communication contre les partisans, les communistes, les komsomols) désertèrent en Volhynie, en gardant leurs armes avec eux, et rejoignirent l'UPA, ajoutant une force militaire considérable et accélérant sa consolidation ; à la mi - 1943, des unités de l'UPA furent formées en Galicie orientale, en Bucovine et en Ruthénie.

Réorganisation

En Septembre 1943, l'organisation de l' UPA fut modifiée: l'Etat major de l'OUN devint celui de l'UPA, et le lieutenant-colonel Choukhevytch ( « Général Chuprynka ») fut nommé commandant. Les Théâtres d'opérations de l'UPA furent répartis en quatre régions : ( a) du Nord : Volhynie et Polésie ; ( b ) de l'Ouest: la Galicie orientale , la Bucovine , la Ruthénie , et la région de la rivière San, ( c ) et ( d) du Sud et de l'Est : les parties de l' Ukraine soviétique dans ses frontières de 1939. Les régions( c ) et ( d) n' existèrent en tant que telles pour une courte période seulement, et furent supprimées lorsque l'armée soviétique reprit la région. Les unités de l'UPA furent réorganisées afin d'améliorer leur flexibilité tactique et e leur permettre de fonctionner clandestinement. L'unité de base était le bataillon ( kuren ), composé de quatre cents à huit cents combattants, divisés en compagnies ( sotnia ), pelotons ( Choten ), et les escouades (Roy) .
Dans la seconde moitié de 1944, l'UPA commença à attaquer la Wehrmacht saisir des équipements et capturer des soldats sur les arrières des unités de combat allemandes. Les Allemands réagirent violemment en lançant des raids de grande envergure, mais sans succès. Le 15 Juin 1944, un conseil fut créé, L'Oukrainska Holovna Vyzvolna Rada ( Conseil suprême ukrainien de libération ; UHVR ), l'aile politique de l' UPA, majoritairement contrôlée par Bandera et ses partisans. Un accord fut trouvé avec les Allemands pour combattre l'Armée rouge, ceux-ci refournirent des armes à l'UPA et entrainèrent leurs unités. Avant la retraite allemande à la mi - 1944, la Volhynie (centre et sud) était contrôlée par l'UPA, ainsi que de vastes zones de la Galicie orientale, comme la Bobrka, Przemysl, Berezhany, et Rogatin.

L'affrontement avec l'URSS et la Pologne .
 
Lorsque l'Armée rouge libéra l' Ukraine occidentale (entre le 22 Juillet et le 3 Octobre 1944), l'UPA commença une lutte acharnée avec les armées soviétiques. Au début de 1945, le conflit armé gagna la partie sud du district de Lublin et la région de la rivière San avec l'armée polonaise. Les Soviétiques et les Polonais durent employer d'importantes forces de sécurité (régiments du NKVD) ainsi que des unités régulières, pour faire face à l'UPA . Les forces de l'UPA tuèrent au cours de ces combats le général soviétique Nikolai Vatoutine ( un des très bons officiers de l'Armée rouge) , qui commandait le premier front ukrainien (2 Mars 1944), et le général polonais Karol Swierczewski dit Walter, ancien des Brigades internationales, incompétent notoire mais policier zélé, et l'un des commandants de l'armée polonaise (28 Mars 1947), ainsi que nombre d'officiers et de policiers. 
La liquidation de l'Organisation .
 
Il a fallu attendre un certain temps après la fin de la guerre, à l'été 1947, les Soviétiques, les Polonais, les Tchèques coordonnèrent leurs opérations contre l'UPA dans cette zone dite des trois frontières et lui portèrent les coups décisifs au cours desquels, le général Chuprynka ( Choukhevytch ) fut tué (5 mars 1950). Au début de 1951, l'organisation armée était quasiment liquidée; la plupart de ses hommes tombés dans la bataille, et seuls quelques groupes, réussirent à se frayer un chemin à travers la Tchécoslovaquie vers la zone d'occupation américaine en Allemagne. La répression, malgré des amnisties régulières destinées à vider les maquis fut très dure, les Soviétiques déportèrent des dizaines de milliers d'Ukrainiens et des villages entiers furent vidés de leurs habitants ; la Pologne, fait qu'on on oublie souvent, déporta tous les Ukrainiens (100 000) de la région de la rivière San et des districts de Lublin pour les réinstaller dans les zones auparavant allemandes qu'elle avait annexé à l'ouest. En 1953, l'organisation était redevenue complètement clandestine.

La destruction des juifs d'Ukraine

Tout au long de 1943, l'UPA a combattu principalement contre le mouvement partisan soviétique. Le paroxysme fut atteint à l'été, lorsque le corps de partisans soviétique, commandé par le général Sidor Kovpak, fit campagne dans les montagnes des Carpates sans pouvoir déloger l'UPA. Au cours des combats, les unités de l'UPA assassinèrent en masse les Juifs qui s'étaient réfugiés dans les forêts et dans les villages. Norman Davies estime que 140 00 juifs furent tués au cours de ces opérations auxquelles participèrent les Allemands. L'antisémitisme étant général à l'époque, il convient de souligner que les Polonais étaient aussi dangereux que les nazis comme l'ont souligné dans leurs témoignages les rares survivants de l'insurrection du camp d'extermination de Sobibor.
« 
On sait que 365 détenus s'échappèrent et que seuls 47 ont survécu à la guerre. Les Allemands en rattrapèrent 107 qui furent assassinés, la résistance polonaise en tua 53, parmi eux Léon Felhendler et Kitty Gokkes, le dernier jour de la guerre. » (Micha Kersten Zwolle: "Death Camp Sobibor" 1998 )

En Mars 1943, l'UPA entama un véritable génocide des paysans polonais installés dans ces régions Aleksander Korman dans "Stosunek UPA do Polaków na ziemiach poludniowo-wschodniej II Rzeczypospolitej" (L'attitude de l'UPA face aux Polonais des territoires du Sud-Est de la 2 e République), NORTON-Wrocław, 2002; (l’auteur a répertorié 362 méthodes de torture pratiquées par les nationalistes ukrainiens sur les Polonais et façons de leur infliger le coup mortel, d'abord en Volhynie et plus tard dans la Galicie orientale en 1944. La première attaque connue fut celle contre le village d'Oborkin le 13 novembre 1942 dans le canton de Luck où les Ukrainiens assassinèrent 50 Polonais. Le nombre de victimes parmi les Polonais est toujours sujet de discorde, les historiens ukrainiens de l'Ouest minimisent les chiffres (30-40 000). Norman Davies parle de 60 000 - ? morts au moins, il mentionne «500 000 Polonais tués en 1943" mais signale que le président Kravtchouk en 1993 a du recevoir les mauvais chiffres. Jan P. Gross (Polish society under German occupation, Princetown, New York 1979) 60 000 à 80 000 ; de 300 000 à 400 000 selon la Commission d'enquête polonaise sur les crimes commis contre la Nation polonaise, chiffre à l'évidence exagéré. Le nombre de victimes oscille entre 30 000 [historiens ukrainiens de l'Ouest] et 120 000 [cité par Wiktor Polishchuk]. Wiktor Polishchuk souligne que les crimes les plus terribles ont été commis par les Bespeka [gardes de sécurité] de l'UPA, la police interne de l'UPA, commandée par Dimitr Kupiak, cryptonyme de « Klej », chef des Services de Sûreté de l'UPA (réfugié au Canada après la Seconde Guerre mondiale), un cercle relativement étroit de meurtriers tous fanatiques de Bandera. Il souligne également que le recrutement et la discipline de fer de cette organisation était basée sur la terreur de sorte qu'elle ne pouvait pas être considérée comme un mouvement d'indépendance véritable où l'on est normalement volontaire. Car l'UPA a tué aussi bon nombre d'Ukrainiens qui n'étaient pas en accord avec ses options.
Le nombre des Ukrainiens massacrés par l'UPA demeure inconnu, cela va de membres de l'OUN non ralliés à leurs positions, d'Ukrainiens aidant des Polonais, des Russes, des Juifs, aux Ukrainiens refusant de tuer leur conjoint non ukrainien, comme on l'a pratiqué couramment au cours des massacres (pratiques qui ont resurgi lors de la guerre de Yougoslavie).

Les historiens communistes mentionnent sans s'attarder la chose et toutes ces questions ont été longtemps taboues en URSS comme en Ukraine. C'est un peu avant l'éclatement de l'URSS que l'on a commencé a sérieusement s'intéresser à ces questions.
Suite dans un prochain post.

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